"Notre fils se frappait de plus en plus au cours des voyages, hurlait, causant des arrêts multiples du bus n'importe où. Les journées à l'établissement spécialisé étaient dans la continuité, rendues invivables. Nous en sommes venus à essayer de le contenir avec un tissu pour qu’il ne se mutile pas. Puis on nous a fait comprendre que ce n'était plus possible d'accueillir notre fils en raison du risque collectif pendant les transports notamment, mais aussi des difficultés de comportement dans l'établissement. Nous avons heureusement obtenu une accompagnatrice transport, ce qui a tout changé. Depuis nous devons faire renouveler son financement tous les six mois auprès de l’ARS, grâce à des crédits dits « non renouvelables » (CNR). Notre équilibre familial est suspendu à ce financement. En cas de refus l'un de nous deux devra s'arrêter de travailler pour garder notre fils à la maison, et renoncer à son accompagnement et sa socialisation en établissement spécialisé." Armel et Marion, parents de Vivien, polyhandicapé.
Madame la ministre déléguée en charge de l’Autonomie et du Handicap,
Aujourd'hui en France, le transport quotidien des enfants et adolescents avec un handicap complexe entre leur domicile et l’établissement spécialisé qui les accompagne en journée se fait en véhicule collectif, sans autre adulte que le chauffeur.
Ces enfants, relevant d’une paralysie cérébrale sévère, d’un polyhandicap, de troubles autistiques ou d’autres types de handicap, ont un rapport au monde extérieur différent, des capacités de perception et de compréhension modifiées. Qui plus est, l’accès au langage verbal leur est impossible. Ils sont parfois sujets à des émotions fortes, des angoisses profondes, voire des souffrances physiques qui, faute de pouvoir être verbalisées, peuvent se traduire par des comportements problématiques dans un véhicule en marche.
Les "petits problèmes" peuvent vite devenir cumulatifs et déboucher sur des situations compliquées : gestes d'auto-agressivité ou d'automutilation, cris ou encore crises d'épilepsie.
En cas de crise sérieuse, le chauffeur est seul pour la gérer : il est souvent déstabilisé et dans l'obligation d'intervenir tout en maîtrisant sa conduite sur la voie publique. Ces situations imprévisibles accroissent l'insécurité pour tous les passagers avec a minima des conséquences immédiates sur le temps de transport et une lourde responsabilité sur les épaules des chauffeurs.
Ce que nous, leurs parents, devons faire pour trouver une solution
Nous avons bien évidemment compris que la solution réside dans la présence dans le véhicule d'un autre adulte disponible et qualifié pour être à l’écoute des enfants, les rassurer et intervenir physiquement en cas de besoin.
En outre, cet accompagnateur formé permet que ce temps de transport fasse partie intégrante de l’accompagnement de nos enfants et devienne un temps de vie positivement vécu plutôt qu'un moment pénible à endurer. Ce point est d'autant plus crucial dans les grandes agglomérations, où les temps de transports quotidiens peuvent atteindre deux heures.
Mais cette solution a un coût et n’est pas accessible à tous ! Pour la financer, nous devons faire appel à des crédits publics non pérennes, dits CNR, d’une durée de six mois et nous plier aux complexités administratives: dossier avec argumentaires rédigés par nous et les professionnels de l’établissement, renouvellement intégral une fois les six mois écoulés sans certitude que le crédit nous sera de nouveau accordé. Une source d’inquiétude et de stress supplémentaires pour nous, familles, dont le quotidien est déjà lourdement impacté par le handicap.
Et ce n’est pas tout ! En cas de refus de financement et de perte de l’accompagnateur, nous n’avons pas d’autre choix que d’assurer par nous-mêmes les transports (ce qui mobilise deux personnes pour les sécuriser), ou de garder notre enfant à domicile, en renonçant à son accompagnement dans un établissement spécialisé.
Les conséquences sont alors dramatiques :
pour les parents, qui doivent réduire nettement voire abandonner leur vie professionnelle ;
pour les enfants en rendant plus difficile voire impossible leur accès aux rééducations, aux enseignements scolaires et à la socialisation ;
pour l’ensemble de la cellule familiale, en la précarisant.
Ainsi, nous les parents de ces enfants à handicap complexe, considérons que les déplacer ainsi sans accompagnant est une forme de maltraitance. Cela nous semble contrevenir à la Convention Internationale des Droits des Personnes Handicapées (CIDPH, signée et ratifiée par la France), relativement aux articles 17 (respect de l'intégrité physique et mentale) et 21 (accès à des modes de communication alternatifs adaptés).
Au contraire, la présence d’un accompagnateur formé permet de maintenir la sécurité physique et psychique des enfants, ainsi que la continuité du lien humain entre eux et les aidants.
C'est pourquoi, Madame la Ministre, nous vous demandons de reconnaître le transport de nos enfants porteurs d’un handicap complexe et sans langage verbal comme partie intégrante de l’accompagnement prodigué par les établissements médico-sociaux, en pérennisant l'emploi d'accompagnateurs dans les transports spécialisés avec les crédits associés et en assurant leur formation.
Co-auteurs et signataires : FÉDÉRATION PARALYSIE CÉRÉBRALE FRANCE et Association ENVOLUDIA
En agglomération, le temps de transport quotidien peut atteindre ou dépasser 2 heures.
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