Marre des abus : pour plus de transparence sur le fonctionnement des Ehpad !

La Cour régionale des comptes vient de publier son rapport d’observations définitives après le contrôle de l’établissement Chantefontaine, à Cestas. Des manquements sont relevés dans cette structure en perte d’attractivité.L'essentiel

• Les conditions de prise en charge des résidents dans cet Ehpad privé commercial sont dénoncées dans un rapport de la Cour régionale des comptes (CRC). Par exemple, seuls 35 % des résidents ont un accès facilité à une douche et les locaux inadaptés sont jugés trop chers.

• L’Ehpad connaît une forte rotation de son personnel soignant et la CRC a recensé treize jours sans présence infirmière en 2022, supposant « une insécurité dans les prises en charge soignantes ».

• Le rapport s’interroge aussi sur la pertinence du niveau de dotations publiques reçues par l’établissement, alors que la masse salariale affectée aux soins progresse moins vite que les dotations.

L’Ehpad Chantefontaine de Cestas, en Gironde, acheté par le groupe Korian en 2019, compte 42 places mais seulement 34 résidents. A la lecture du rapport d’observations définitives, publié ce mardi par la Cour régionale des comptes (CRC), on comprend un peu cette désaffection. Le fort turnover des équipes, les locaux peu adaptés et les conditions d’accueil qui laissent à désirer contribuent à brosser un portrait peu reluisant de l’établissement.

Deux plaintes ont été adressées, au printemps et à l’été 2022, par des familles de résidents à l’agence régionale de santé (ARS), l’autorité de tutelle, et au conseil départemental pour « défaut de prise en charge ».

Risque élevé de « maltraitance institutionnelle »

Les locaux de cet Ehpad privé commercial « ne comprennent que 16 chambres individuelles dont seulement six équipées de douches », pointe le rapport de la CRC. Seuls 35 % des résidents ont un accès facilité à une douche. Les prix mensuels appliqués par résident sont dans la médiane des autres établissements du même type (compris entre 2.357 € à 3.277 €). « Néanmoins, ils peuvent être appréciés comme étant élevés au regard de l’hôtellerie proposée », appuie le rapport. Un projet de réhabilitation a été lancé avec du retard et devrait être livré fin 2025.

Le nombre de résidents prenant leur repas en chambre est jugé trop important au regard du nombre de professionnels disponibles pour les aider à manger. « L’ARS (qui a mené une inspection en août 2022) indique ainsi que ces constats participent à un risque élevé de maltraitance institutionnelle », pointe le rapport. « Presque 30 % des résidents sont en dénutrition sévère, ce qui mérite grande attention, un taux autour de 12 % étant fréquemment isolé dans un Ehpad, ajoute-t-il. L’objectif de suivi de la dénutrition figure toutefois parmi les objectifs du projet de soins. »

Depuis le départ de la dernière animatrice, en mai 2022, il n’y a plus de d’activité proposée aux résidents et parmi le personnel soignant, on constate une forte rotation. Les familles le ressentent : tous les indicateurs de niveau de satisfaction sont en baisse. Le gestionnaire peine à recruter et justifie cette situation par « la complexité de la gestion depuis les crises sanitaire et médiatique ».

Même si une infirmière a été recrutée dans l’établissement en 2023, l’analyse de la CRC pointe qu’en 2022, il y a eu treize jours sans présence infirmière. « Une insécurité dans les prises en charge soignantes, et ce d’autant qu’il n’existe plus de présence de médecin coordonnateur », souligne le rapport.

Les prestations extérieures sont aussi visées par le contrôle : les dépenses en lien avec la venue de kinésithérapeutes sont en baisse de 17 % entre 2017 et 2022, « ce qui interroge sur le niveau et la qualité des prises en charge des résidents ». Le budget pour les honoraires des médecins libéraux et SOS médecins sont aussi en baisse de 41,5 % depuis 2017, une forte diminution mise en lien avec de gros retards de règlement « bien au-delà du délai de soixante jours ».

Interrogation sur la pertinence du niveau des dotations publiques reçues

La rentabilité financière de l’établissement s’améliore depuis le rachat par le groupe Korian en 2020, alors même que le taux d’occupation baisse. La chambre régionale des comptes identifie un trou d'« environ 301.451 €, soit presque 7 % du total des dotations perçues sur toute la période 2018 à 2021 » dont l’emploi n’est pas identifié comme l’y oblige la réglementation. Ce point est contesté par le gestionnaire.

« En synthèse, la chambre régionale des comptes met en évidence le caractère insincère des données concernant les effectifs au sein des états réalisés des recettes et des dépenses (ERRD), ce qui empêche de contrôler l’utilisation des dotations. » La masse salariale affectée aux soins progresse moins vite que les dotations : ces dernières ont progressé de 22 % entre 2017 et 2022 et de 16,5 % entre 2020 et 2022 alors que les effectifs liés aux soins ont diminué, selon les déclarations du gestionnaire, de 6 % entre 2017 et 2022, et de 0,04 % entre 2020 et 2022.

La Cour régionale des comptes a émis dix recommandations auprès de l’établissement parmi lesquelles la stabilisation des effectifs, la transmission sans délais des événements indésirables graves à l’ARS et l’actualisation du projet d’établissement.

Le lien de l'article :

https://www.20minutes.fr/bordeaux/4084611-20240403-gironde-manque-douches-denutrition-absence-animation-rapport-accable-ehpad-korian