Monsieur le ministre de l’Éducation Nationale,
Dans le Gard, une Inspectrice de l’Éducation Nationale a porté plainte contre M T un enseignant d’Alès, suite à une réunion de travail durant laquelle elle l’a accusé d’avoir tenu des propos outrageux et suite à 2 rassemblements d’enseignants devant l’inspection d’Alès où elle s’est sentie harcelée.
La plainte a été classée sans suite par le Procureur : notre collègue est innocent !
Lors de cette réunion, l’équipe enseignante venait exposer les difficultés qu’elle rencontrait dans l’exercice de ses fonctions et n’avait eu aucune réponse. Quelques mois plus tard, notre collègue s’est vu remettre, à l’école, une convocation au commissariat. Il a été auditionné durant 2 heures. L’équipe enseignante qui était présente à cette réunion n’a même pas été auditionnée, la plainte a été classée sans suite rapidement. Il n’a, par ailleurs, même pas eu de sanction disciplinaire. Cette plainte constituait donc un moyen de faire pression sur le collègue, de le faire taire et de faire comprendre aux autres enseignants que mieux vaut ne rien questionner du fonctionnement de l'institution.
Pour dénoncer ce scandale, un collectif, constitué d’enseignants du 1er et 2nd degré ainsi que de personnes hors Éducation Nationale, s’est créé.
N’ayant obtenu aucune réponse à des questions posées au Directeur Académique du Gard, le collectif Stop à la Maltraitance Institutionnelle se tourne vers vous :
Comment allez-vous protéger les enseignants d'une plainte infondée de la part de leur supérieur hiérarchique, ou de tout autre abus ?
Personne ne souhaite se voir remettre une convocation au commissariat, que doit-on comprendre : il ne faut pas signaler les difficultés que nous rencontrons sur le terrain au risque d’avoir une plainte contre nous ?
Nous signifions nos difficultés par le biais de fiches Santé et Sécurité au Travail qui ne sont même pas traitées par notre hiérarchie ! Lorsque nous les rencontrons pour expliquer les difficultés et leur demander protection, comme l’ont fait les enseignants de l’école Pasteur à Saint Denis, le Directeur Académique prend la décision de les muter d’office, réduisant à néant l’investissement et l’engagement pris au quotidien auprès des élèves et de leur famille.
A Marseille, un enseignant particulièrement investi dans son travail, tente de dénoncer le danger que représente des classes surchargées. Il est suspendu de ses fonctions...
Qu’allez-vous mettre en place pour que les supérieurs hiérarchiques soient enfin à l’écoute des équipes sur le terrain, celles qui font fonctionner nos écoles ?
Depuis le suicide de notre collègue CR, les injonctions institutionnelles permanentes et contradictoires ont été révélées. Cette violence institutionnelle quotidienne que vivent en particulier les directeurs d’école est insoutenable. Quand on a ouvert un courrier venant d’une inspection académique on comprend vite la perversité de l’acte : de nombreuses pièces jointes, avec des liens qui ouvrent sur d’autres liens... Erreur ! D’autres envois complémentaires pour corriger ou compléter le précédent.... Bref, il n’y a plus de frais de port alors l’administration en profite ! Remplir des tableaux pour justifier le travail de ceux qui sont dans leurs bureaux et font des statistiques… Une fois de plus, ceux qui font fonctionner les écoles doivent répondre à des injonctions qui ne servent en rien au fonctionnement des écoles...Aliénation totale ! De nombreux directeurs d’école ont tellement bien compris la souffrance exprimée dans la lettre que CR a laissé avant de s’en aller.
Quand allez-vous supprimer les tâches administratives obsolètes qui gangrènent les réelles tâches du quotidien dans nos écoles ?
Samuel Paty a fait le choix, en conscience, d’ouvrir ses élèves à la réflexion et de les rendre acteur d’une société qui se questionne, qui dialogue. L’institution a fait le choix, en conscience, de ne pas le soutenir.
Qu’allez-vous faire pour que les enseignants qui éduquent et instruisent les enfants au quotidien soient enfin considérés, reconnus et protégés au sein de notre société ?
L’horreur de la décapitation de Samuel Paty a bouleversé l’ensemble du corps enseignant. Une journée de recueillement pour l’ensemble des professeurs, puis une demi-journée de concertation pour affronter la réalité de la classe après ce drame, puis finalement une heure pour enfin arriver à une minute de silence là où il nous fallait tellement parler…
Quelle violence de balayer notre souffrance de la sorte !
Allez-vous considérer et prendre en compte les violences psychologiques que nous vivons ?
Allez-vous enfin mettre en place une médecine du travail pour les enseignants ?
On nous demande d’être exemplaire pour nous faire taire. Nous sommes les victimes d’une hiérarchie qui nous méprise, qui nous oppresse et qui nous maltraite.
Qu’allez-vous faire pour stopper cette violence institutionnelle qui s’est immiscée depuis plusieurs année dans l’Éducation Nationale ?
L’école de la bienveillance ? C’est l’explosion de la maltraitance qui domine depuis 5 ans : la volonté envers et contre tout de fabriquer l’image d’une institution où tout serait sous contrôle. Personne n’est dupe (ni les parents d'élèves, ni les enseignants), le navire coule.
Comment expliquez-vous que cette « merveilleuse » école de la confiance, que le plus beau métier du monde n'arrive plus à recruter ?
Le choix de privilégier le recrutement de contractuels est tout à fait révélateur de l'absence d'ambition mise dans l'école publique, laïque et gratuite.
La précarisation de notre métier est donc l'opportunité parfaite de contraindre les employés à ne surtout rien remettre en question et donc participe pleinement à taire toute difficulté rencontrée. Nous voyons des personnes qui ont en charge des classes avec toutes les difficultés que cela implique et qui sont abandonnées par l'institution. Mais ces personnes taisent leurs difficultés car elles craignent que leur contrat ne soit pas renouvelé !
L'institution nous maltraite car elle précarise notre métier et nous dévalorise.
Allez-vous réellement faire le choix de proposer des formations de qualité et payer dignement les enseignants ?
La gestion des ressources humaines à l’Éducation Nationale est une hérésie, les conséquences humaines et économiques sont désastreuses...
A quand, sur le modèle de ce qui se passe dans de nombreux services de l'action sociale, des lieux de parole et d'analyse ? Des temps où des professionnels de l'écoute permettraient aux acteurs de l'éducation de pouvoir exprimer, dans un cadre éthique, bienveillant et confidentiel, leurs charges émotionnelles et leurs ressentis. La relation humaine est au cœur du système et pourtant elle si peu évoquée et traitée...même lorsque le mal-être s'intensifie.
Allez-vous continuer à cautionner les pressions hiérarchiques qui encouragent la dissimulation des problèmes (#pas de vague) et qui conduisent les enseignants à démissionner ou à pire ?
Veuillez croire, Monsieur le ministre de l’Éducation Nationale, en notre détermination à dénoncer les maltraitances institutionnelles, et en notre attachement à une école publique, laïque et gratuite de qualité.
Le collectif STOP MALTRAITANCE INSTITUTIONNELLE
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