Le rendez-vous était donné à Nouzonville, à quelques mètres de l’Ehpad. Dans un endroit où la discrétion serait assurée. Car celles que l’on appellera Coralie, Camille et Yasmine ont décidé de témoigner anonymement. « On a trop peur d’être réaffectées dans un autre service s’ils découvrent qu’on a parlé à la presse », expliquent-elles à L’Ardennais.
12 heures contre 7h30 actuellementIls, ce sont les membres de la direction qui ont décidé dernièrement d’intégrer l’Ehpad de Nouzonville dans le « projet médico-soignant du China », Centre hospitalier intercommunal nord Ardennes dont dépend l’Ehpad de Nouzonville, c’est-à-dire de mettre en place les 12 heures quotidien, contre 7h30 actuellement, à partir de septembre 2024. Une mesure qui ne passe pas auprès des soignants.
Cette organisation va nous obliger à maltraiter nos résidents : couché plus tôt, toilettes étalées…
« Outre notre fatigue et le fait que nous ne sommes pas des machines, cette organisation va nous obliger à maltraiter nos résidents. Ils seront couchés plus tôt car au lieu d’avoir une équipe d’après-midi, on finira tous à 19h30 ou 20h30 contre 21 heures actuellement, sauf celle qui fait la nuit et elle ne pourra pas s’occuper de tout le monde, les toilettes seront étalées et plus faites que le matin, pareil pour les heures de repas », affirme Coralie.
Sa collègue Camille ajoute : « Notre métier, on l’aime et on l’a choisi car ce qu’on veut plus que tout c’est le bien-être des personnes âgées. Là on sent que tout se dégrade. Avant les repas étaient cuisinés sur place, maintenant c’est la cuisine centrale qui livre. Avant on pouvait organiser des sorties, maintenant ça va être de plus en plus compliqué. On a l’impression que les scandales dans les Ehpad privés ces dernières années arrivent dans le public. »
Une organisation déjà mise en place ailleursEn bref, pour elles, ce changement d’organisation est incompatible avec leur rythme de travail. Pourtant, la direction du China persiste et affirme notamment que « le travail en 12 heures est déjà en vigueur au sein du Centre hospitalier de Nouzonville depuis plusieurs années et que les agents qui en bénéficient en sont très satisfaits ».
Thomas Talec, directeur du China, assure aussi que « pour la prise en charge de la personne âgée, c’est un horaire parfaitement adapté à son rythme. Car, contrairement aux horaires moins longs, il réduit chez les professionnels la pression liée à l’acte qu’il faut réaliser à tout prix à un horaire fixe comme la toilette ou la douche. La journée étant plus longue, le travail peut se dérouler dans une ambiance moins stressante et plus conviviale. Ce qui est très bénéfique pour les résidents ».
Loin de l’avis des aides-soignantes. « Notre métier est très difficile et pénible. Nos patients sont de plus en plus lourds, on a aussi plusieurs patients qui ont des déficiences mentales et qui viennent de Belair… Plusieurs de nos collègues sont en maladies professionnels », explique Yasmine. Les aides-soignantes craignent d’ailleurs de devoir dépasser les 12 heures de travail quotidien légal si leur collègue de nuit ne peut pas travailler.
« Aujourd’hui, en cas d’arrêt de dernière minute d’un collègue, on prolonge de quelques heures. Là, ça ne sera plus possible. Ils feront comment ? Ils laisseront les résidents tout seuls ? » « Travailler 12 heures d’affilée, c’est normalement une dérogation en cas de crise sanitaire. Là, on banalise cet horaire », insiste Coralie, qui ajoute : « Ce n’est pas du tout compatible avec le label Humanitude que vise le China, les résidents ne vont plus se sentir bien ici, et nous non plus. On ne se sent pas soignants mais marionnettes. » Elles sont prêtes à faire grèveElles sont prêtes à le faire. Les aides-soignantes de l’Ehpad de Nouzonville menacent de faire grève si la direction ne recule pas sur cette décision. « On demande à la direction de rouvrir le dialogue et de faire machine arrière », expliquent-elles. Ces dernières peuvent compter sur le soutien du maire de Nouzonville, Florian Lecoultre : « J’ai écrit à Thomas Talec pour lui demander de faire machine arrière. Je soutiens les aides-soignantes. Dans cet Ehpad, ce sont les mères, les grands-parents de la population nouzonnaise, ils doivent pouvoir avoir un cadre de vie et accompagnement de qualité. »
Les aides-soignantes peuvent aussi compter sur le soutien de la CGT. « À l’Ehpad des Peupliers à Sedan, le China a mis en place les 12 heures en début d’année. On n’a toujours pas fait le bilan de cette organisation, qu’on le met ailleurs. On n’a eu ni le retour des résidents, ni des familles », explique Christophe Magnee, secrétaire F3SCT (conditions de travail) à la CGT.
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