France — Médecin coordonnateur d’un Ehpad municipal en Vendée (87) pendant 20 ans, le Dr Marcellin Meunier a démissionné de son poste, il y a deux ans, pour dénoncer la maltraitance des résidents et des soignants. Après les révélations du livre « Les Fossoyeurs », du journaliste indépendant Victor Castanet (éd. Fayard), le généraliste et gériatre appelle l’Etat à investir enfin pour augmenter l’encadrement des soignants en Ehpad et renforcer l’aide au maintien à domicile des seniors.
Avez-vous été surpris des pratiques dégradantes envers les résidents (soins et repas des résidents rationnés) et du système de rentabilité à tout prix dénoncés dans le livre « Les Fossoyeurs » concernant le groupe d’Ehpad Orpéa ?
Dr Marcellin Meunier : Non, honnêtement, je ne peux pas l’être. Tout le monde sait ce qui se passe mais rien ne bouge. Il y a eu successivement le rapport Libault sur le grand âge et l’autonomie (en 2018, qui réclamait une hausse de 25 % du taux d’encadrement en Ehpad d’ici 2024), l’annonce d’un plan grand âge qui a été maintes fois repoussé et a finalement été abandonné…
Dr Marcellin Meunier
Les gens ne veulent pas voir que les personnes âgées sont maltraitées. Quand j’entends Brigitte Bourguignon, ministre déléguée chargée de l’autonomie, faire semblant de découvrir les choses et dire qu’elle va taper sur la table, ça me fait sourire. C’est de l’hypocrisie ! Je suis gériatre depuis 20 ans, j’ai vu des personnes pleurer car elles ne pouvaient pas changer des résidents ou parce qu’elles devaient leur dire : « Vous avez une couche, faites pipi sur vous ». On fait manger les résidents par deux comme les oies, une cuiller l’un, une cuiller l’autre. Et qu’on ne dise pas que cela ne concerne que les établissements privés lucratifs car les plaintes pour maltraitance concernent aussi les Ehpad publics.
En juin 2019, vous avez démissionné de votre poste de médecin coordonnateur de l’Ehpad des Oyats, à Notre-Dame-des-Monts, en Vendée, pour dénoncer le sous-effectif du personnel et leurs mauvaises conditions de travail et l’absence de moyens ? Finalement n’est-ce pas cela le cœur du problème ?
Dr Marcellin Meunier : Si bien sûr ! Sur 50 personnels de l’Ehpad dans lequel je travaillais, au moins 15 étaient en arrêt maladie dont la directrice et l’infirmière coordinatrice. L’Agence régionale de santé (ARS) a dit alors que c’était faux avant de reconnaître six mois plus tard dans la presse que la situation allait mieux avec seulement 8 arrêts au lieu de 18. 18 sur 50 personnes ! Or, on sait que la carence en personnels et le nombre important d’arrêts de travail sont des signes de mauvaise prise en charge des résidents. Ces personnes devaient s’arrêter car elles étaient épuisées. On leur demande de venir travailler 8 heures par jour à des moments différents de la journée (sur les tranches 7h-12h ; 17h-20h) pour le lever, les repas, le change et le coucher. Elles sont très mal payées pour faire ce travail précaire. Les gens s’épuisent quand il n’y a pas de reconnaissance morale.
Le lien de l'article :
Vous êtes sûr ? Votre mobilisation est importante pour que les pétitions atteignent la victoire !
Sachez que vous pouvez vous désinscrire dès que vous le souhaitez.