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Taxe carbone : au-delà de l'écologie, la démocratie.

Taxe carbone : au-delà de l'écologie, la démocratie. Pétition
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Auteur :
Auteur(s) :
Emilio Balturi
Destinataire(s) :
élus, responsables politiques et syndicaux
La pétition

Le 2 décembre 2018


Dans la situation politique confuse créée par le phénomène des gilets jaunes, il est bon de prendre du recul et d'essayer de proposer une analyse globale. L'objectif de ce manifeste est d'appeler les formations politiques à plus de loyauté vis-à-vis du gouvernement pour que celui-ci puisse mener à bien sa politique et nous faire tous sortir de cette crise. Les choix gouvernementaux doivent être évalués démocratiquement le temps venu, par des élections régulières, sans être prématurément empêchés dans leur mise en œuvre par des mouvements de contestation qui n'ont de "citoyens" que le nom.


Les gilets jaunes : un phénomène politique dangereux plus qu’un symptôme social.


En mai 2017 Emmanuel Macron a été élu président de la République. Le mois suivant, les élections législatives ont validé son programme en lui donnant une large majorité à l’Assemblée Nationale. Ces scrutins ont eu lieu dans un contexte très particulier. Emmanuel Macron n’a eu à commettre aucune effraction : il s’est trouvé au bon endroit au bon moment. C’est l’effondrement des blocs de l’alternance démocratique traditionnelle qui lui a ouvert le chemin du pouvoir. Nous le savons tous : sans sa présence providentielle, la France aurait aujourd’hui comme leader J.L. Mélenchon ou M. Le Pen.


La victoire fut facile. Le combat n’avait pas encore eu lieu. Emmanuel Macron avait cru pouvoir coopérer avec d’autres forces républicaines pour bâtir une voie du milieu très inédite en France. En quelque mois, les partis battus se sont reconstitués en formations d’opposition frontale contre celui qui avait raflé la mise à la faveur de leur propre implosion politique. Car l’Ancien Monde, assommé, n’est pas mort. Il démontre même depuis une dizaine de mois une grande vitalité. Une prétendue « affaire d’Etat » a permis aux partis déchus de retrouver l’espoir d’une revanche à court terme, quitte à, pour cela, faire cause commune avec les forces populistes et démagogiques. Avec L. Wauquiez, la droite républicaine avait déjà tourné le dos à sa composante libérale pour entamer sa marche vers le souverainisme droitier ; l’essaim des forces politiques et syndicales de gauche avait rallié intellectuellement la bannière de Mélenchon dans sa croisade contre les riches et leur président. N’hésitant plus à mêler leurs coups à ceux donnés par leurs adversaires d’hier, ils pensent qu’en attisant la contestation contre la politique du gouvernement, ils créent les conditions de leur retour aux affaires.


C’est cette stratégie douteuse que l’on voit à l’œuvre aujourd’hui autour de la crise ouverte par le mouvement des gilets jaunes. Tous unis contre la loi de Macron. Même ceux qui ont soutenu et voté hier la taxe carbone se retournent aujourd’hui contre un gouvernement qui a le courage de la mettre en application. La droite crie au scandale de l’excès de taxes tout en se gardant bien de dire trop haut que son choix pour y remédier serait de réduire drastiquement les effectifs de la fonction publique, comme le préconisait F. Fillon. Toute honte bue, la gauche, et à sa tête l’ancien Président ou son ex-compagne, égérie d’un temps de la cause climatique, viennent donner de la voix contre une loi qui vise à dépolluer l’air que nous respirons, et qu’ils défendaient eux-mêmes. L’argument ? La loi est juste, bien sûr, mais le contexte de la politique fiscale du gouvernement la rend injuste. Parce que Macron est le président des riches, toutes ses taxes sont frappées du sceau de l’iniquité. Pourtant, quand la France était soi-disant plus juste parce qu’elle taxait fièrement le capital, et qu’elle instaurait une tranche d’imposition marginale sur le revenu à 75%, était-elle florissante, son économie dynamique, son budget à l’équilibre et son taux de chômage très bas ? Ne rencontrait-elle aucune opposition sociale ? Qu’avec une politique fiscale plus hostile au capital M. Macron n’aurait pas davantage convaincu les gilets jaunes à rester chez eux, la preuve en a été donnée par son prédécesseur, abandonnant l’écotaxe devant l’opposition des bonnets rouges.


On nage ici dans la mauvaise foi et le calcul politicien. Qui peut en effet ignorer que cette loi contrarie un certain usage de l’automobile profondément inscrit dans les mœurs des français et donc qu’elle ne peut être qu’impopulaire ? L’engagement écologique de la plupart de nos partis et personnalités politiques est à géométrie variable. Au moins le cynisme de D. Trump a-t-il le mérite de la franchise.


Face à tant d’hypocrisie, de cynisme et de renoncement, nous voulons par ce texte qui s’adresse aux républicains, sociaux-démocrates et libéraux de ce pays, dénoncer la complaisance ambiante à l’égard du mouvement des gilets jaunes en pointant trois erreurs sur lesquelles elle repose.


Une lourde erreur de calcul politique. La crise actuelle donne à observer la première confluence, dans la rue, des électorats populistes de gauche et de droite. Si elle perdure et discrédite durablement le gouvernement, voire si elle conduisait à une dissolution de l’Assemblée ou à une sortie du Président, le vainqueur des élections à venir n’aura qu’un seul visage : le visage d’une France souverainiste. Sa survenue créerait en Europe une crise bien plus grave que celle du Brexit en Angleterre : la sortie de l’Union européenne du cours de l’histoire, ce serait le retour de la concurrence brutale des nations.
Les circonstances dans lesquelles Emmanuel Macron est arrivé au pouvoir n’ont pas disparu. Le rapport de forces se dégrade en revanche pour le camp de ceux qui ont soutenu l’actuel Président. Se servir des gilets jaunes pour affaiblir le gouvernement, c’est rejouer à l’envers l’affrontement du second tour de la présidentielle et tendre à inverser le résultat. Est-ce cela que nous voulons ?


Une faute morale. Tout le monde s’accorde à faire pudiquement la distinction, dans les rassemblements, entre les simples protestataires et les éléments violents. Or cette frontière n’est pas si claire. A l’évidence il y a de la violence à l’œuvre dans les blocages des routes, dans ceux des accès aux magasins, dans l’intimidation des conducteurs pour obtenir leur soutien factice, dans le refus de déclarer tout rassemblement. Mais lorsque des réunions publiques, en raison de leur caractère inorganisé, provoquent systématiquement des débordements et des saccages, il n’est plus possible de dire que ces réunions sont pacifistes.  Pour finir, refusant de se donner une organisation, le mouvement ne peut ni ne veut s’imposer quelque règle que ce soit. Au mieux ses agents sont dangereusement irresponsables ; au pire, ils sont solidaires d’actes d’agression contre les personnes, les forces de l’ordre et les biens.  Il s’agit d’un mouvement infra-politique, spontanéiste, comparable à tous ceux qui dans l’histoire ont renversé sans rien construire, mais ont ouvert le passage à des forces plus organisées capables, elles, d’imposer leur ordre.


L’aveuglement idéologique. Mais remontons à la matrice de tous les reproches adressés à la politique d’Emmanuel Macron. Le passage de l’ISF à l’IFI représenterait un somptueux cadeau fait aux classes privilégiées et prouverait que le gouvernement mène une politique au service des nantis. Il est utile de rappeler que le coût fiscal de cette mesure est d’à peu près 3 milliards d’euros. Ce chiffre est à rapporter à celui du budget de l’Etat qui avoisine les 400 milliards d’euros, au déficit d’environ 80 milliards, et à l’endettement qui s’approche des 2200 milliards d’euros. Certes cette somme n’est pas négligeable et pourrait, par exemple, contribuer à financer la transition écologique. Mais le gouvernement pariait sur une reprise de l’investissement, alimentée par le retour des capitaux. Les riches sont-ils globalement les gagnants de la politique de Macron ? Ce n’est pas certain. Un tableau publié par Le Monde sur les variations de pouvoir d’achat liées aux réformes budgétaires de 2018-2019 (12 octobre 2018, A. Tonnelier) le montre très bien : les 19% des ménages les plus riches perdent jusqu’à 1% de leurs revenus disponibles, autant que les 22% des ménages les plus modestes. Mais, pour ces derniers, la perte est en partie compensée par les aides du plan pauvreté (coût budgétaire de 8 milliards d’euros sur 4 ans). Dans le même temps, en faisant augmenter de 1% le pouvoir d’achat de 66% des foyers intermédiaires, le gouvernement prouve que son objectif principal est de relancer l’économie et de soutenir la consommation des classes moyennes. On peut être en désaccord avec cette politique pour de vraies raisons et avec de bons arguments. On peut penser que l’assiette de l’impôt sur la fortune pourrait être élargie aux actifs spéculatifs, qui ne vont pas vraiment à l’investissement réel. Mais, de grâce, cessons de caricaturer, de tout décrire en usant d’un langage du XIXème siècle, celui des oppositions binaires simplistes entre pauvres et riches, entre puissants et misérables. « Le président des riches » est une étiquette de démagogues. Laissons leurs slogans aux populistes de tous horizons.


Même si Emmanuel Macron était bel et bien le président des riches, cela ne justifierait pas que l’on s’en prenne aux CRS, aux boutiques, à la liberté de circuler. Dans un pays démocratique la liberté d’expression autorise tout groupe d’opinion à manifester. Mais les élections sont le seul moment où le peuple, le vrai peuple, celui des citoyens, s’exprime. En dehors de ces consultations tout rassemblement qui prétend s’exprimer ou agir au nom du peuple, est dans l’imposture politique. Quoi qu’il s’en revendique, il détourne la « citoyenneté » ; voire, il la nie. Rousseau a tout dit sur ce point dans son Contrat social. Les gilets jaunes ne sont pas le symptôme d’un malaise social auquel le gouvernement resterait sourd. Ce mouvement est bien plutôt le signe inquiétant d’une vie politique acquise au statu quo dont les acteurs s’arc-boutent dès que des réformes viennent changer leurs manières de faire ou de penser.


Depuis les grèves de 1995, les gouvernements successifs sont restés tétanisés par la perspective d’une contestation de la rue. Le pays ne se réforme plus qu’à la marge. La France, qui n’est ni le pays le plus inégalitaire au monde ni celui où règne la plus grande pauvreté, a développé depuis quelques décennies une culture de la contestation populaire. Elle est devenue tout simplement réfractaire à l’exercice du pouvoir. Aujourd’hui, qu’un gouvernement s’avise de gouverner pour réformer, il est aussitôt jugé autoritaire. Quand il demande des réductions de dépense, il persécute. Quand il ne cède pas, il est sourd et refuse le dialogue. Félicitons-nous : la politique actuelle, que d’aucuns peuvent critiquer, a au moins le mérite de renouer avec l’ambition. Même si elle n’atteint pas demain ses objectifs, ce que rien ne permet encore de prédire, elle aura rendu à la France la conviction que le champ politique peut être autre chose qu’une impasse où finissent les réformes.


En républicains attachés à nos institutions et à nos valeurs démocratiques, nous attendons de nos élus une attitude loyale vis-à-vis du gouvernement en place. Nous leur demandons de soutenir non seulement la taxe carbone, mais aussi et avant tout notre démocratie. Pour les oppositions, qu’elles cessent de contribuer à l’exacerbation des passions en espérant tirer un avantage de la crise. Il est légitime que la droite et la gauche républicaines travaillent au retour de la bipolarité qui a caractérisé la vie politique française jusqu’en 2017. Mais nous n’en sommes pas là. Pour l’heure, le président et l’assemblée ont été régulièrement élus ; un gouvernement met en œuvre le programme annoncé ; ils veulent réduire les dépenses sans trop tailler dans les effectifs des services publics ; aucune de leurs premières mesures n’a été jugée indigne par la majorité des français ; ils devraient donc pouvoir poursuivre leur action sans affronter des foules déchaînées. Penser le contraire, c’est prendre son parti de l’aventure populiste, de droite et/ou de gauche.
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28 commentaires
Anne-marie - Le 11/12/2018 à 14:01:10
Les dérives actuelles sont sidérantes et plus qu'inquiétantes. Les passions et l'irrationnel se déchaînent au dépens des règles démocratiques qui sont bafouées et remises en cause. Dans ce climat, que nous réservent les prochaines élections européennes ? En faisant entendre une autre voix, cette pétition sera un soutien pour nos élus.
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Régis - Le 10/12/2018 à 23:10:14
Très bon article Emmanuel Macron à réussil exploit de passer dans une trou de souris sans marge de manoeuvre .. saisissons cette chance historique pour éviter le chaos et diffusons la méthode et l approche pour civiliser cette mondialisation sauvage
Bonne chance à la France
Fier d être En Marche
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Robert - Le 25/12/2018 à 11:52:40
pour l'avenir des generations futures
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