Pour le respect de la Liberté d'expression

La liberté d'expression est une valeur fondamentale de notre pays. Elle ne consiste pas à n'autoriser que l'expression des idées qui ne nous dérangent pas et sont politiquement correctes. Décréter qu'il y a des opinions qui ne doivent pas avoir le droit de s'exprimer c'est nous faire croire que ces idées sont si fortes qu'aucun argument ne peut les combattre et qu'elles vont convaincre sans que ceux qui les entendent ne puissent exercer leur jugement critique !
La liberté d'expression ne peut pas avoir de limite ni de restriction ! Ces dernières ne peuvent s'appliquer qu'à des actes pas à des paroles ou des écrits. Nous sommes au pays de Voltaire et Voltaire a écrit : "Je ne pense pas ce que vous dites mais je me battrai jusqu'à la mort pour que vous ayez le droit de le dire". Et Rousseau répondait à la Censure exercée contre ses ouvrages que "Brûler n'est pas répondre".

Aux idées et aux paroles que l'on juge choquantes on se doit de répondre par des idées et des paroles et c'est du dialogue que nait la réflexion, on le sait depuis Socrate !
Mais interdire à un humoriste de s'exprimer et de plaisanter sur des sujets jugés tabous c'est renier les valeurs fondamentales de notre société, c'est prendre le public pour un ramassis d'imbéciles incapables de faire la part des choses et d'avoir un recul critique. Ce n'est pas à l'Etat de décider de quoi nous avons le droit de rire ! L'humour de Dieudonné peut ne pas faire rire, il peut choquer, déplaire comme les caricatures de Charlie Hebdo ont pu choquer et déplaire. Mais la liberté d'expression exige qu'on laisse journalistes ou humoristes se moquer de tout, aussi bien des religions, des idéologies et de l'autorité.

Une décision du conseil d'Etat censurant un spectacle c'est un précédent d'une extrême gravité. Que l'on apprécie ou pas Dieudonné n'est pas la question et n'entre pas du tout en jeu dans notre démarche. Quelque soit notre jugement sur cet humoriste nous redoutons les conséquences de la décision du Conseil d'Etat sur la liberté d'expression de tous.
N'oublions pas que Robespierre, qui a décrété "pas de liberté pour les ennemis de la liberté !" a fini par voir des ennemis de la liberté partout et a fait guillotiner non seulement des contre-révolutionnaires mais des révolutionnaires modérés comme les Girondins, des révolutionnaires extrêmistes comme les Hebertistes et finalement le père de la révolution lui-même Danton qui tentait, à la tête du parti des Indulgents, de prôner la tolérance !
De même on condamne aujourd'hui un pseudo extrêmiste et demain on condamnera ceux qui comme nous se contentent de défendre l'idée de tolérance et de Liberté d'expression.

Vous avez fait, Monsieur le Ministre un pas dangereux vers la Dictature et la négation de nos libertés fondamentales. Nous vous demandons de (re)lire les philosophes des Lumières et de réfléchir au sens de ce concept fondamental de "Liberté d'expression" que vous avez bafoué en vous laissant aveugler par vos émotions et votre indignation contre des idées que vous désapprouviez. Mais il fallait les combattre par vos discours, vos paroles et non par un abus de pouvoir et une négation des principes fondamentaux de la République.