Laissez-nous travailler le dimanche !

Travailler le dimanche est un sujet qui fait débat à gauche comme à droite. Les arguments des acquis sociaux, de l’habitude sociale ou encore de l’impératif religieux se heurtent au pragmatisme économique de la création d’emplois ou à l’évolution des modes de vie familiaux. Théorique pour certains, ce débat est concret pour d’autres car il se concrétise par un emploi et des revenus.


Quid de la liberté religieuse ?

Au Moyen-âge, quand la quasi-totalité de la population occidentale était religieusement homogène, c'est-à-dire catholique (et priée de le rester, sous peine de recadrage radical et définitif), admettons qu’il pouvait faire sens de fixer arbitrairement un jour de repos hebdomadaire. Mais en 2013…alors que la société française a profondément changé, maintenir de façon aussi rigide le principe du repos hebdomadaire au dimanche frôle l’anachronisme.

Aujourd'hui, tandis que les hommes ont pris leur distance avec les ordres séculiers, quelle justification peut-on trouver à un repos obligatoire le dimanche ? C’est une question que se pose Jean-François Mayer, sur son blog, en ces termes : « À quoi sert le dimanche? Simplement un jour de repos un peu arbitraire, maintenu par habitude dans des sociétés postchrétiennes? Ou le pivot de toute la semaine, autour duquel s’ordonne le cours de l’existence, d’abord sur le plan liturgique pour ceux qui pratiquent? »

Dans ce billet, extrêmement instructif, il relève notamment que « l’activisme pour le dimanche n’est pas nouveau. Au XIXe siècle apparurent des sociétés pour l’observation (du repos) du dimanche, ou pour la sanctification du dimanche — notamment des organisations d’inspiration protestante. » Pour autant, il rappelle également la permanente « remise en cause du repos dominical depuis les penseurs des Lumières, au XVIIIe siècle, avec l’apparition d’un argumentaire économique en faveur du travail du dimanche. »

Plus prosaïquement, la tradition du repos dominical a dérivé et n’est plus vraiment en phase avec les rythmes de la société moderne. Les rythmes personnels et professionnels sont aujourd’hui plus variés que jamais : temps partiel, mi-temps, familles recomposées, monoparentales, temps de transport qui s’allongent, travail étudiant, sont autant de raisons qui, conjuguées au niveau collectif, rendent la rigidité du repos dominical obsolète. D’autant plus obsolète que de nombreux salariés se sont récemment illustrés en manifestant dans le but de se voir reconnaître le droit de travailler le dimanche s’ils le souhaitent !

Quid de la liberté d'action ?

La société dans laquelle nous évoluons fait la part belle à l’ « hyper régulation », toujours sous couvert de protéger les intérêts des citoyens. On ne peut imaginer comment le travail dominical de certains, sur une base volontaire, tel que le réclament les salariés, pourrait semer le désordre dans une société qui l’accepte majoritairement. Pourquoi est-il si difficile d’admettre que trois Franciliens sur quatre manifestent le souhait de pouvoir faire leurs courses le dimanche, ne serait-ce que dans les commerces alimentaires de quartier, pourtant contraints de baisser leurs rideaux à 13H en dépit des revendications salariales ? Pourquoi est-il si difficile d’admettre qu’un étudiant puisse trouver un certain confort à travailler avantageusement le dimanche, appréciant ainsi d’être mieux payé ce jour-là et de dégager du temps libre pour ses études ?

Quid de la lutte contre le chômage?

Par ailleurs, à une époque où le chômage bat des records pourquoi s’arc-bouter sur un principe dont le premier effet serait de créer de l’emploi ? Libéraliser, le travail dominical créerait des dizaines de milliers d'emplois (14 800 pour le seul commerce non-alimentaire, selon une étude du Crédoc de 2008). Par crainte des réactions syndicales ou par simple calcul politique, les gouvernements des dernières décennies –ceux-là même qui juraient faire de l’emploi leur priorité- ont maintenu l'interdiction de travailler le dimanche. Certes, la loi Mallié de 2009 a tenté d’apporter une réponse mais elle a eu comme effet de complexifier considérablement les règles du jeu de sorte qu’elle est aujourd’hui, de l’avis général, sans effet majeur.

Quant aux syndicats, si leur raison d’être est de défendre les intérêts des salariés, pourquoi adoptent-ils une posture si véhémente, et défendent-ils une vision si manichéenne du travail dominical ? Il est hors de question de remettre en cause le repos hebdomadaire, plus qu’une évidence, c’est une exigence. Mais qui a dit que tous les salariés souhaitaient que ce jour tombe obligatoirement le 7ème jour de la semaine ? Pourquoi ceux qui l’acceptent ne pourraient-ils pas bénéficier d’un peu plus de souplesse dans l’organisation de leur temps de travail et dans l’organisation de leur temps de vie ?

Peut-être est-il temps d’ancrer le débat dans une réalité sociale plus actuelle. Les conservateurs de tous bords n’ont pas à dicter aux citoyens libres ce qu’ils croient être juste.


Laissez-nous bénéficier des majorations de salaires le dimanche, laissez-nous gérer nos vies comme nous l’entendons, laissez-nous décider de ce qui nous est favorable et de ce qui ne l’est pas. En un mot : laissez-nous travailler le dimanche !