Madame la Première Ministre,
La filière des Systèmes d'Information et de Communication (SIC) porte les nombreux métiers du numérique de l'Etat au travers d'un corps interministériel d'ingénieurs (affectés dans 7 ministères et vos propres services), des corps de techniciens et d'agents SIC (ces trois corps étant gérés par le ministère de l'Intérieur), et d'agents contractuels. Ce personnel est chargé du pilotage, de la réalisation, de l'exploitation et de la maintenance des systèmes informatiques et de télécommunications nécessaires à la continuité des missions gouvernementales et en particulier à la gestion des crises.
Ces milliers de femmes et d'hommes sont les principaux artisans de la transformation numérique des politiques publiques appelée de ses vœux par le Président de la République, affirmée par la création de la Direction Interministérielle de la Transformation Publique (DITP) et l'animation stratégique de la Direction Interministérielle du Numérique (DINUM). Pourtant, notre filière est aujourd'hui dans une situation des plus critiques.
Nous, le Syndicat National Force Ouvrière des Systèmes d'Information et de Communication du Ministère de l'Intérieur (SNFOSICMI), sommes la première organisation syndicale représentative de la filière numérique de l'Etat. Par notre ancrage dans l'ensemble des services informatiques métropolitains comme ultra-marins, nous accompagnons au quotidien nos collègues pour leurs évolutions de carrière et leurs conditions d'exercice. Le manque cruel d'attractivité et la multiplication des missions reposant sur les mêmes agents détruisent aujourd'hui une filière en tension extrême, souffrant de ces constats :
- rémunérations inférieures de 15% à 50% à celles du privé selon l'étude Deloitte 2019 commanditée par l'ancienne DINUM, ces dernières ayant encore augmenté de plus de 10% en 2021 et hors inflation 2022 ;
- concurrence indemnitaire délétère entre ministères, et même entre filières au sein d'un ministère (revalorisation des primes de la filière administrative MI pour ses catégories A et B en 2022 tandis que la catégorie A SIC ne reçoit que la moitié de sa revalorisation en 2023, l'autre en 2024 et rien pour sa catégorie B !) ;
- disparité forte entre les grilles de rémunération des fonctionnaires SIC et le référentiel DINUM de rémunération contractuelle, elle-même en retard en comparaison des évolutions salariales du marché du travail en particulier en 2022 ;
- impossibilité d'accès aux emplois de décision de la filière, disparition d'une filière A+ de cadres dirigeants du numérique de l'Etat ;
- application persistante des renouvellements de contrats en durées déterminées, et délais de propositions trop longs et tardifs ;
- 25% de postes non pourvus en moyenne aux concours ISIC, plus de 33% après l'année de stage ;
- formation initiale et continue insuffisantes ;
- augmentation constante de la charge de travail et délais péremptoires d'autorités non sensibilisées à la gestion de projet informatique (le numérique apparaît comme magique car intangible) ;
- hausse dramatique des surmenages, arrêts de travail et départs massifs.
Et l'appel aux sociétés de prestations intellectuelles devient la norme, aggravant considérablement les dépenses publiques.
Ces constats et les solutions sont d'ailleurs abondamment décrits par différents rapports de la haute fonction publique, rappelés à la direction des ressources humaines du ministère de l'Intérieur en mai 2021 :
- circulaire n°5920 du 21 mars 2017 du Premier Ministre relative à la gestion RH dans les métiers du numérique et des SIC,
- rapport de janvier 2019 à Messieurs le Ministre de l'Action et des comptes publics et le Secrétaire d'Etat chargé du Numérique pour une stratégie RH de la filière numérique et SIC de l'Etat,
- plan d'action DGAFP-DINSIC du 2 mai 2019,
- rapport de la Cour des Comptes sur la conduite des grands projets numériques de l'Etat de juillet 2020, et le rapport d'information de la commission des finances du Sénat pour suite à donner.
Nous avons obtenu plusieurs rendez-vous avec des autorités du ministère de l'Intérieur, gestionnaire des corps SIC, et certaines victoires en matière indemnitaire. Mais en l'absence d'instance de dialogue pour l'ensemble de la filière, nous sommes confrontés ces dernières années à des autorités désarmées pour des réformes statutaires réputées impossibles, à des difficultés récurrentes de prises de rendez-vous, aux renvois intolérables de responsabilités (la direction des ressources humaines renvoie toute responsabilité à la Direction Générale de l'Administration et de la Fonction Publique (DGAFP) qu'elle doit pourtant convaincre...). Et nous n'avons jamais obtenu en deux ans de rendez-vous avec Messieurs le Ministre de l'Intérieur et le Secrétaire Général du ministère !
Nous vous interpellons donc urgemment à inscrire dans le projet de loi de finances 2023 les revendications légitimes d'une filière pourtant stratégique pour l'avenir des politiques publiques :
- revalorisation d'au moins 25% des grilles indiciaires SIC ;
- revalorisation rétroactive à 2022 des primes IFSE du personnel SIC dans l'ensemble des ministères par alignement sur le plus avantageux, et au minimum au niveau de la filière administrative du ministère de gestion, elle revalorisée en 2022, pour l'ensemble du personnel SIC y compris les techniciens et agents grands oubliés du dispositif ;
- revalorisation immédiate et mise à jour chaque année du référentiel de rémunération contractuelle DINUM ;
- échelon sommital hors échelle B pour la grille d'ingénieur SIC permettant l'accès aux emplois fonctionnels de directions centrales ;
- création d'un corps de hauts fonctionnaires du numérique ;
- systématisation des contrats à durées indéterminées pour la filière et délais de propositions sensiblement améliorés ;
- cartographie nationale des emplois, des effectifs par statuts et des postes vacants ;
- refonte des formations initiales et continues (création d'une académie numérique de l'Etat, conventions avec des groupements de grandes écoles) ;
- hausse significative des plafonds d'emplois et des recrutements hors Loi d'Orientation et de Programmation du Ministère de l'Intérieur (LOPMI) ;
- formation de la haute fonction publique et des directions métiers aux études de faisabilité préalables et expressions de besoins, aux moyens et délais tout autant nécessaires aux projets informatiques qu'ils peuvent l'être pour l'industrie ou le bâtiment.
Enfin, la création d'une instance de dialogue social sincère pour l'ensemble de la filière numérique de l'Etat devient incontournable à la lumière de la situation périlleuse et des enjeux de transformation de l'action publique.
Vous sollicitant de toutes nos forces pour un véritable plan d'actions et d'investissement, nous SNFOSICMI nous tenons à votre entière disposition pour l'avenir du numérique de l'Etat.
Veuillez agréer, Madame la Première Ministre, nos respectueuses salutations.
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