Madame la directrice de France Inter,
En juin 2024, vous avez voulu faire disparaître l’émission La Terre au Carré. L’indignation suscitée vous avait fait reculer.
Aujourd’hui, en pleine canicule, nous apprenons, avec la même colère et la même indignation, que l’émission - qui réunit 800 000 auditeurs et auditrices par jour - va subir de sévères amputations.
D’abord, il est question de durée. L’émission perdrait 10 minutes de temps d’antenne.
Vous le savez, le sujet de l’urgence écologique, au regard de sa gravité est largement sous-traité dans les médias. Celles et ceux qui ont vraiment compris les risques que nous encourrons collectivement y pensent jour et nuit. Nous sommes nombreux à penser qu’aucune émission d’information généraliste ne devrait pouvoir faire totalement l’impasse sur ce sujet. Cinquante-cinq minutes pour parler des causes de la catastrophe écologique et de la possibilité de maintenir une planète viable pour les générations actuelles et futures, c’était déjà loin d’être suffisant. Comment comprendre alors une réduction de 10 minutes par jour ?
Ensuite, il est question de contenu. Vous voulez faire taire les voix engagées et militantes qui occupaient le dernier temps de l’émission.
Or l’écologie a deux poumons : les sciences, expérimentales et humaines, qui ont tant à nous dire pour nous expliquer les bouleversements que nous traversons. Et l’engagement, qui fait vivre l’idée que tout n’est pas perdu et que l’intérêt général peut encore l’emporter sur la somme des intérêts privés qui ravagent notre planète. C’est pourquoi il est essentiel de continuer à entendre les voix de celles et ceux qui oeuvrent, localement ou à travers le territoire, à défendre l’habitabilité de la Terre. Parmi ces voix, celles des journalistes indépendants de Vert ou de Reporterre sont irremplaçables. Parce qu’ils enquêtent là où les autres médias ne vont pas, parce qu’ils se font la voix de celles et ceux qui, dans un contexte de privatisation de l’audiovisuel, sont le plus souvent invisibilisés ou caricaturés. Il s’agit aussi des voix des personnalités multiples et inspirantes qui incarnent aujourd’hui cet engagement (Claire Nouvian, Cyril Dion, Feris Barkat…) et des milliers de messages laissés sur le répondeur, dont on regrettait déjà la relégation en fin d’émission. Si cette partie de l’émission est jugée trop militante, faut-il rappeler que la cause écologiste n’est pas une cause partisane ou politicienne, mais bien un enjeu de survie pour l’espèce humaine ?
L’urgence environnementale est là. Elle menace l’habitabilité de la Terre. Nous ne pouvons pas penser que vous êtes de celles et de ceux qui minimisent ce sujet.
Les femmes et les hommes sont là aussi, qui veulent agir pour la préservation de ce bien commun le plus précieux qui soit, et qui font face à une adversité à peine concevable.
En tant qu’usagers du service public de l’information, nous disons à nouveau avec force que France Inter se doit de leur conserver un espace de parole digne de ce nom.