Photo : https://www.eaurmc.fr/jcms/pro_128914/fr/12e-programme-sauvons-l-eau-2025-2030
17 mars 2025
La Loi fondatrice des Agences de l’eau, la Loi n°64-1245 sur le régime et la répartition des eaux ainsi que sur la lutte contre leur pollution a été adoptée le 16 décembre 1964. Cette Loi a constitué un tournant majeur dans l’appréhension des enjeux de l’eau par les pouvoirs publics. Elle a préfiguré une approche par bassin versant devenue un prérequis planétaire. Cette Loi institue une gestion des ressources en eau basé sur des limites hydrographiques déconnectées des limites administratives, ce qui en fait une politique publique singulière. Le 16 décembre 2024, à l’occasion de leurs 60 ans, les six Agences de l’eau proposent partout en France une exposition itinérante pédagogique instructive qui se tient actuellement, du 17 février au 31 mars 2025, dans une galerie de la gare de Lyon Part-Dieu.
60 ans après la promulgation de cette Loi, la bataille pour l’eau est toutefois très loin d’être gagnée. Soutenir que 85 % des nappes d’eau souterraine sont en bon état chimique nous paraît étonnant. En effet, d’après la définition, le bon état chimique d’une masse d’eau est atteint lorsque les concentrations en polluants dues aux activités humaines ne dépassent pas les normes et valeurs seuils, garantissant ainsi la protection des écosystèmes aquatiques et la qualité de l’eau. Hélas ! Les activités agro-industrielles exportatrices induisent d’immenses besoins en eau et engendrent de fortes pollutions des eaux souterraines qui entraînent pour de nombreux captages d’eau potable un dépassement des normes de potabilité.
Ce système est de fait insoutenable pour la santé des hommes et des écosystèmes. Le Centre de Coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement (CIRAD) reprend dans les conclusions de son rapport du 7 novembre 2024 intitulé "Agriculture industrielle, agriculture biologique et agroécologie" les propos tenus en 1998 par Stuart B. HILL, professeur émérite et chaire fondatrice de l'écologie sociale à l'Université de Sydney Ouest (Australie) : "Un jour, dans le futur, beaucoup se demanderont comment les scientifiques et les décideurs politiques ont pu continuer à défendre sciemment l’expansion de systèmes de production spécialisés avec des monocultures en rang gérées chimiquement, qui entraînent l’érosion et la dégradation des sols, l’épuisement et la contamination des eaux, la perte de biodiversité, l’exode et l’effondrement des communautés rurales, une dépendance accrue aux ressources non renouvelables et aux subventions…"
Aussi, il apparaît indispensable de mettre en œuvre des solutions efficaces pour lutter contre les pollutions émises par les activités agro-industrielles, structurellement polluantes. Les Agences de l’eau doivent investir massivement auprès des exploitants agricoles pour les faire changer de système si l’on souhaite véritablement réduire leurs pollutions diffuses en azote et pesticides. C’est possible à condition de mettre en œuvre des actions véritablement pertinentes, efficaces.
Dans les années 1980, une importante innovation avait été initiée par l'Agence de l'Eau Artois-Picardie pour réduire l'impact des activités industrielles sur les milieux aquatiques. Elle avait créé en son sein, dans son Service Industries, une section "Techniques propres" destinée à aider financièrement les industriels à investir dans des modifications internes de leurs procédés de fabrication afin de diminuer les flux de pollutions rejetés dans les cours d’eau. Ce fût efficace !
C’est le même processus qu’il faut adopter pour les activités agro-industrielles. Il faut rechercher les causes des fuites de produits polluants, nitrates et pesticides, sous les sols agricoles, rechercher les systèmes qui empêchent les fuites de polluants. C’est seulement de cette façon qu’il pourra être proposé des aides pour supprimer les graves atteintes à la potabilité des eaux souterraines. L’Institut National de Recherche pour l'Agriculture, l'alimentation et l'Environnement (INRAE) et d’autres organismes ont conduit des expérimentations fécondes. Ils fournissent tous les outils pour changer de système et ils en appellent désormais à adopter l’agroécologie.
Marc DUFUMIER, agronome et professeur honoraire à AgroParisTech, vient de publier "La Transition agroécologique, qu’est-ce qu’on attend ?" aux Éditions Terre vivante qui fournit les bases pour s’engager sérieusement vers un système agricole qui produit mais ne pollue pas.
L’examen du 12ème programme de l’Agence de l’eau RMC "Sauvons l'eau 2025-2030", entré en vigueur le 1er janvier 2025 pour 6 ans https://www.eaurmc.fr/jcms/pro_128914/fr/12e-programme-sauvons-l-eau-2025-2030 nous permet de constater que 251 M€, soit 8% du montant total des aides du programme 2205-2030 sont affectés à la lutte contre les pollutions d’origine agricole. C’est une somme très considérable dont il est moralement obligatoire qu’elle soit suivie d’effets. Depuis le début des premières aides en 1991, depuis 34 ans, les résultats obtenus sont très décevants, voire nuls.
L'Agence de l’eau dispose d’une "fiche aide" à la réduction des pollutions agricoles, en priorité sur les aires d’alimentation des captages prioritaires et ressources stratégiques, en soutenant des "pratiques" visant à diminuer l'utilisation de pesticides et d'engrais, afin de protéger la qualité des eaux avec notamment un chapitre intéressant intitulé : "AGRI3 - Groupes d’agriculteurs en transition vers l’agroécologie". https://www.eaurmc.fr/jcms/pro_128800/fr/agri3-groupes-d-agriculteurs-en-transition-vers-l-agroecologie mais dont les actions proposées se limitent à de l’animation. C’est très vague et insuffisant. Nous espérons vivement que l’Agence de l’eau ne se limitera pas à des changements de "pratiques", comprendra l’enjeu et s’investira plus profondément pour faire advenir un nouveau "système", celui de l’agroécologie justement.
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