Sortons grandis de l’affaire Legrand !
Nous demandons son retour à l’antenne et une jurisprudence claire pour mieux protéger à l’avenir les journalistes des médias publics.
Thomas Legrand n'était pas à l'antenne de France Inter ce dimanche matin. À 8h49, Marion L’hour nous informait que la direction a décidé de “le suspendre à titre conservatoire" pour "protéger le travail de la rédaction de tout discrédit" car "les propos tenus par Thomas Legrand peuvent prêter à confusion". La direction de France Inter a donc décidé vendredi de contribuer au discrédit d’une des voix les plus démocrates de la radio, et d’en priver tous les auditeurs. Le Syndicat national des journalistes l’affirme sans ambiguïté : sa “suspension, même « à titre conservatoire », ne fait précisément qu’entretenir la suspicion sur son travail, dont l’honnêteté n’a jamais été remise en cause”.
Cette pétition vise à réclamer :
Revenons sur les faits. Un média d’extrême droite a diffusé vendredi des images volées et tronquées pour laisser entendre que Thomas Legrand et Patrick Cohen “complotent” avec des élus socialistes contre Rachida Dati (pour les municipales) et en faveur de Raphaël Glucksmann (pour les présidentielles). Sans aucune réserve, la ministre de la Culture (et des médias) a conforté cette analyse en exhortant à chaud chacun “à prendre ses responsabilités”. Consigne qu’Adèle Van Reeth a immédiatement prise pour sienne en informant l’AFP que Thomas Legrand était suspendu. Dommage, car pourtant rien n’allait dans cette histoire. Et le discrédit, c’est sur elle même que la direction de France Inter l’a jeté.
On pourrait résumer “l’affaire” autrement. L’extrême droite a fait de l’extrême droite. Rachida Dati a fait sa Rachida Dati. Deux journalistes politiques respectés ont discuté avec des élus socialistes. Thomas Legrand a fait du Thomas Legrand en partageant dans un cadre tout à fait confidentiel… des propos qu’il tient régulièrement de façon tout à fait publique ! Il n’y a donc qu’une chose qui cloche dans cette histoire, c’est la façon dont la direction de France Inter a servi la mauvaise cause sans aucune prise de recul.
Qu’a-t-on objectivement appris dans cette vidéo ? Que Thomas Legrand est plutôt de gauche, et préoccupé par son état et celui de la démocratie ? Rien de neuf, rappelons qu’il est éditorialiste pour Libération. Qu’il a largement, et factuellement, informé sur les pratiques antidémocratiques de Madame Dati ? Au moment de la vidéo, il venait de publier un article au vitriol sur la ministre qui venait d’agresser publiquement en plateau Patrick Cohen. Et qu’il donne régulièrement sa vision critique sur les dynamiques des forces de gauche, qu’il connaît bien ? Mais qui donc ignore cela ?
On n’a rien appris. Ce que la Direction de France Inter a ignoré, en revanche, c’est sa responsabilité. Sa responsabilité de protéger ses meilleurs et fidèles journalistes, et tous par extension. Sa responsabilité de distinguer prises de paroles publiques (qu’un journaliste se doit de soigner) et prises de paroles volées dans un lieu public (faudra-t-il que les journalistes ne puissent plus parler qu’à leurs plus proches dans les arrière-salles de nos intimités ?) Sa responsabilité de ne pas donner crédit à des images tronquées et sorties de leur contexte. Sa responsabilité de s’interroger au fond des choses pour évaluer les faits plutôt que de crier au loup avec la basse-cour.
Pourquoi est-ce si grave, pourquoi a-t-on besoin du retour de Thomas Legrand à l’antenne, et pourquoi il faudra en tirer des leçons concrètes ? C’est grave parce que la liberté et l’indépendance de la presse, c’est celle des humains qui la font : tout simplement, on ne doit pas pouvoir les bâillonner avec n’importe quelle image volée. D’autre part, il est grave de confondre professionnalisme journalistique et non-engagement. Nous avons besoin que le service public protège un pluralisme journalistique éclairant pour notre démocratie, avec des visions claires et dans la transparence. Ce journalisme doit dénoncer les mensonges et les manipulations. Fact-checker. Et nous aider à réfléchir.
En signant cette pétition, je soutiens d’une part le retour de Thomas Legrand à l’antenne de France Inter. Il y assume ses responsabilités depuis 17 ans, et nous avons encore besoin de lui pour les années qui viennent. Quelles que soient nos préférences politiques pourvu qu’on soit démocrate, sa capacité d’observation critique et son recul historique sur la vie politique française nous sont utiles.
D’autre part, je signe en demandant à la direction de RadioFrance, à ses journalistes et à sa médiatrice, de poser un cadre pour qu’une telle décision précipitée ne puisse plus nuire à l’avenir. Et qu’ainsi nous protégions ensemble les médias publics qui, attaqués de toute part, sont indispensables à la vitalité de notre démocratie.
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