Nantes, le 10 mai 2023
Monsieur le Préfet du Morbihan,
Votre directrice de cabinet, que j’ai eue ce matin au téléphone, m’a confirmé que vous ne voyez pas d’obstacle à la prestation commerciale du navire russe « Shtandart » au prochain festival de la «La semaine du Golfe du Morbihan 2023». Bien au contraire, vous entendez soutenir cette activité interdite par le cinquième volet des sanctions européennes pris à la suite des massacres russes de Boutcha.
À supposer que le « Shtandart », en dépit de ses activités de transport de passagers, particulièrement depuis juin 2022, ne relève pas de la convention SOLAS (« sauvegarde de la vie humaine en mer »), il n’en est pas moins concerné par nombre de conventions maritimes internationales pertinentes, permettant de définir ce qu’est un navire selon le paragraphe 3 alinéa « a » de l’article 3 sexies bis du règlement UE n°833/2014 modifié. Il est donc impossible de considérer que la frégate Shtandart, dont le pavillon d’immatriculation est celui de la Fédération de Russie, n’est pas un navire. Ajoutons que ce même navire ne peut pas être exclu simultanément des alinéas « a » et « b » du chapitre 3 de l’article 3 sexies bis précité.
Le règlement n° 833/2014 ne reconnaît aucune dérogation ou exclusion pour les répliques historiques, les navires-écoles, voire les navires se proclamant, depuis le 27 février 2022, « opposants » au régime russe. La présence du navire russe Shtandart dans les ports français est donc bien illégale. Il ne s’agit ni d’un point de vue, ni d’un postulat, ni d’une interprétation, de notre part, comme l’affirme, à tort, votre directrice de cabinet. Il s’agit du texte européen.
En revanche, le document non signé de la « Direction Nationale du Renseignement et des Enquêtes Douanières » (DNRED), exhibé comme un sauf-conduit, (voir en annexe), fait usage des termes « entités listées » et « catégories » qui ne figurent pas dans le dit règlement européen, lequel vise à l’exhaustivité. Se limitant aux navires de charge de 500 GT et plus, ainsi qu’aux navires de plaisance, le courrier de la DNRED est une réécriture trompeuse, dans un sens restrictif et de contournement, du texte des sanctions.
Au-delà des sophismes de votre cabinet ou de la DNRED, la Commission européenne précise que la coordination générale des sanctions (page 15), en France, est assurée par le Ministère de l’Europe et des Affaires Étrangères. Le dernier mot reviendra donc au Quai d’Orsay, voire à la Commission européenne, et non pas à un anonyme fonctionnaire de la DNRED. La Commission européenne stipule aussi (page 16): « Les autorités compétentes pour délivrer les autorisations prévues dans le cadre du règlement européen 833/2014 sont les préfets de département ». In fine, c’est bien vous et personne d’autre, Monsieur le Préfet, qui porterez l’ultime responsabilité d’une infraction au texte européen, dans le Morbihan, si vous maintenez votre position. Quand l’affaire du Shtandart sera révélée dans son intégralité et qu’elle aura les suites qu’elle doit avoir, je signalerai vous en avoir explicitement alerté, ce mercredi 10 mai 2023.
À ce titre, il est rappelé que, depuis le 28 novembre 2022, le Conseil a ajouté la violation des mesures restrictives à la liste des infractions pénales de l’UE. Le viol des sanctions rejoint donc des crimes tels que « le terrorisme, la traite des êtres humains et l’exploitation sexuelle des femmes et des enfants, le trafic illicite de drogues, le trafic illicite d’armes, le blanchiment d’argent, la corruption, la contrefaçon de moyens de paiement, la criminalité informatique et la criminalité organisée ».
Enfin, et bien que votre directrice de cabinet n’ait pas voulu en entendre parler, je tiens, là aussi, à prendre date pour l’avenir. Je rappelle que nous avons largement démontré, par des documents russes dont certains de la main de Vladimir Martus, le capitaine-propriétaire du « shtandart », que celui-ci est proche des cercles du pouvoir russe. Il en est même un représentant dument appointé. Les résultats de nos investigations, avec leurs sources, sont disponibles en ligne. Dans un tel contexte, quelles que soient les complicités locales ou au sein de l’appareil d’Etat, une fraude aux sanctions européennes en faveur des intérêts russes représentés par le Shtandart n’en est que plus contraire au droit européen et à notre intérêt national. Nous entendons dénoncer ces faits délictueux malgré les arguments d’autorité ou les procédures bâillons qui nous sont opposés.
Je vous prie Monsieur le préfet de bien vouloir agréer l’expression de mes salutations distinguées.
Bernard Grua
Porte-parole du collectif #NoShtandartInEurope
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