Lettre ouverte à Monsieur Alfandari et Monsieur Louault
Monsieur le Député, Monsieur le Sénateur,
Nous sommes un collectif de parents d'élèves, d'élus ruraux et d'enseignants du canton de Loches. Notre canton rural est fortement impacté par les fermetures de classes tant dans le primaire que dans le secondaire.
Le 27 février dernier, c'est plus d'une centaine de personnes qui étaient réunies à Loches pour dénoncer ces fermetures de classes, mais aussi pour évoquer les conditions de travail dans les classes.
Monsieur le Député, Monsieur le Sénateur,
Vous avez voté cette année une baisse du budget alloué à l'Education nationale. Cette baisse contraint notre Directeur Académique à fermer 49 classes dans le département. Pour prendre cette décision, vous vous êtes basés sur un seul et unique indicateur : la baisse démographique !
Nous, enseignants (mais aussi parents), ne comprenons pas que l'argent généré par la baisse démographique (baisse de 600 élèves dans notre département cette année) ne soit pas conservé dans le budget alloué à l'Education nationale pour permettre un meilleur encadrement des élèves dans nos classes !
Monsieur le Député, Monsieur le Sénateur,
Pour prendre cette décision, vous avez oublié un détail d'importance : la réalité du terrain. Nous ne doutons pas que ce soit par une méconnaissance de ce terrain plus que par un choix politique assumé. En effet, qui parmi votre électorat (parents, grands-parents, enseignants...) pourrait comprendre que soit sacrifiée ainsi notre jeunesse pour une « petite économie » !
La réalité du terrain aujourd'hui, ce sont des élèves qui ont des besoins plus importants et nécessitent un meilleur taux d'encadrement. Depuis ces dernières années, le nombre d'élèves relevant de la MDPH (Maison Départementale des Personnes Handicapées) est en hausse constante. Vous pourriez argumenter que c'est parce l'on cherche plus. Ce serait oublier de prendre en compte la complexité de la société dans laquelle nos élèves évoluent et les mutations que vit notre société : la place croissante des écrans dans nos vies, la diminution moyenne du nombre d'heures de sommeil, la hausse des prix qui engendre des difficultés pour conserver une alimentation de qualité, les difficultés d'accès aux soins et à la culture.
Nous pourrions en lister bien d'autres encore : les angoisses liées à la situation politique mondiale et les angoisses écologiques ne sont pas moindres ! Pour ne développer qu'un seul de ces points, nous évoquerons les difficultés d'accès aux soins, conséquence de la désertification médicale qui s'accentue tant dans les villes que dans les campagnes.
C'est un véritable parcours du combattant pour les parents de trouver un orthophoniste, un psychomotricien ou un neuropsychologue qui pourra, non pas prendre en charge son enfant, mais juste effectuer un bilan pour diagnostiquer un trouble du langage (par exemple, une dyslexie) ou un trouble du comportement (par exemple, un trouble de l'attention avec ou sans hyperactivité).
Les structures existantes ne réussissent plus, faute de personnels et de moyens, à prendre en charge les élèves. Pour exemple, le CAMSPS CMPP de Ligueil est tellement saturé qu'il ne prend plus d'élèves et, pire encore, ne réalise même plus de bilans. Les parents de ces enfants à « besoins particuliers », nombreux dans nos classes, sont conscients que nous ne pouvons mettre en place les mêmes adaptations et apporter à leurs enfants le même enseignement individualisé dans une classe à 21 que dans une classe à 26. Le taux d'encadrement des élèves est d'ailleurs moins favorable dans notre département qu'au niveau national.
Les enseignants du RASED (que la commande institutionnelle s'évertue depuis des années à faire disparaître) ne sont en capacité d'aider que les élèves de cycle 2 (de 6 à 9 ans). Mais qu'en est-il des élèves dont la difficulté n'est diagnostiquée que tardivement, parfois seulement à l'entrée en sixième. Faut-il se résigner à ce qu'ils décrochent, faut-il se résigner à ce que nos écoles soit un lieu de souffrance pour certains de nos élèves?
Nul besoin pour un Etat de trouver 109 milliards d'euros pour développer l'Intelligence Artificielle, si ce même Etat est incapable d'investir dans l'Intelligence de sa jeunesse pour former les artisans, les agriculteurs, les chercheurs, les ouvriers, les ingénieurs, les personnels soignants et enseignants de demain, pour former la Nation France de demain.
Monsieur le Député, Monsieur le Sénateur, Les enseignants de la Nation France s'épuisent : ils ne pourront indéfiniment pallier aux défaillances de l'Etat. Jamais le nombre de départs en retraite anticipés, de démissions et de demandes de temps partiel n'a été aussi élevé. Les concours pour devenir enseignants n'attirent plus et l'Etat peine à recruter. Lorsque vous votez les budgets, vous avez le pouvoir décisionnaire de faire changer les choses. Or, les « petites économies » faites sur le dos de l'Education nationale mettent à mal notre institution depuis longtemps, mettent à mal l'avenir de notre société et de notre démocratie.
Vous nous dites que vous avez à cœur la ruralité, mais l'avenir de la ruralité se prépare aujourd'hui dans nos classes.
Aujourd'hui, par ce courrier, Monsieur le Député, Monsieur le Sénateur, nous vous demandons de vous ranger du côté du bon sens.
Nous vous demandons de porter haut et fort notre cause auprès de Madame la Ministre de l'Education nationale pour que soit annulées purement et simplement les 49 suppressions de postes dans notre département et pour que nous puissions faire grandir nos élèves dans un climat bienveillant, serein et qualitatif.
Je m’associe à cette lettre ouverte Réunion collective Parents élus enseignants 12 mars
Forte mobilisation à Loches Yzeure sur Creuse : 300 personnes mobilisées ! Manifestations à Loches le 27 février 2025Sources : La Nouvelle République